Bizutage..

 

- Au choix , la boule à zéro ou la gueule en bleu ???-

La peste ou le choléra ? Il faut me décider et vite , l'énergumène en blouse maculée de peinture me paraît peu enclin à la discussion ...va pour la boule à zéro , il me suffira de me mettre un bonnet , de toute façon ça repousse vite et on dit que cela fait du bien aux cheveux.
-La boule à zéro ! Ca marche !! - Sur cette bonne parole , l'ancien pose sa tondeuse et me barbouille consciencieusement le visage au bleu de méthylène .
- Tu viendras tous les jours qu'on t'en remette une couche !! -

Chaque jour apporte son lot de nouvelles humiliations , interdit de regarder un ancien dans les yeux , on doit baisser la tête avec humilité lorsque l'on en croise un , obligation de chanter une chanson idiote à leur gloire sur un simple claquement de doigt , si la fantaisie leur en prend , nous devons impérativement arriver le matin déguisés en bébé avec tétine autour du cou , tous les soirs nous sommes contraints de nous réunir dans le grand amphi pour y subir un interminable appel , nous devons nous lever à l'énoncé de notre patronyme et si celui-ci ou notre tête inspire l'assemblée de nos tortionnaires , nous devons nous soumettre à la vexation qu'il leur semble bon de nous infliger , et pour cela , nous pouvons leur faire confiance , ils trouvent sans arrêt de nouvelles idées qu'ils mettent immédiatement en application , et gare aux absents ou aux mauvais esprits , pas question de se rebeller , c'est une incontournable tradition , il faut s'y plier ou quitter l'école , tout cela en fanfare avec la bénédiction et la complicité des professeurs .
Notre calvaire est prévu jusqu'au bal annuel de l'école , début décembre , en attendant , il va falloir prendre notre mal en patience , en adoptant le profil le plus bas possible pour éviter de devenir une tête de turc et la cible privilégiée de nos chers grands anciens.

Me voici condamné à vivre plus de deux mois le visage tout bleu .
Heureusement que je sors de l'école à la nuit tombée et arrive le matin quand le jour se lève à peine , je me suis acheté une casquette que je m'enfonce jusqu'aux yeux et je m'enveloppe d'une écharpe qui me masque à hauteur du nez .
Le plus pénible à supporter , c'est le restaurant Universitaire , dès que je glisse mon plateau sur le rail pour le garnir de nourriture , ma couleur me dénonce , une clameur s'élève accompagnée d'un concert de martèlement de couverts sur les raviers métalliques ...
- Un bizuth !!! Un bizuth !!! Un bizuth !!!-
S'en suit une volée de morceaux de pain qui m'accompagne tout au long durepas que je prend seul , dans un coin déserté de tous ceux qui faute de me bombarder craignent de recevoir les projeciles qui me sont destinés .

Le premier mois a été infernal , mais petit à petit cela s'est calmé , il y eut bien encore quelques soirées mémorables où enfermés dans un parc de tables renversées nous nous faisions asperger de boue et de peinture , d'autres, où nus et couverts de peinture jaune il fallait se frotter à une fille peinte en bleu jusqu'à ce que les deux corps deviennent parfaitement verts ...le temps fini néanmoins par passer et le jour du bal arriva doucement pourmettre un point final à ces débordements folkloriques .
Depuis longtemps , j'avais cessé de me faire bleu-de-méthyléniser , et même si , malgré des toilettes énergiques , je continuais d'avoir une tête à faire peur , je reprenais peu à peu ma couleur originale et savais que bientôt tout serait rentré dans l'ordre.
La plupart des anciens avaientété absorbés par leur travail et la poignée d'irréductibles excités avait fini par se lasser de nous pour s'investir complètement dans les préparatifs du bal.

 

 




26/03/2006
1 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres