Ferrat..
Printemps 67 , la salle est comble , j'ai rencontré son secrétaire dans un bistrot , il me l'a présenté , je suis sensé être un jeune photographe free-lance , il accepte d'être poursuivi par mon objectif toute la soirée . J'ai un genou à terre dans les coulisses de la Gaieté-Montparnasse , le coude bien appuyé sur l'autre , j'essaie de bouger le moins possible , l'oeil collé au télé-objectif .
Au-dessus de moi , les mains en porte- voix , quelqu'un lui crie que la France vient de marquer un essai dans le match France-Angleterre qu'il suivait de sa loge , quittée à regret à la fin de l'entracte , sa femme près de moi le fixe avec intensité , je devine sur ses lèvres les mots que son Jean sous un projecteur fixe , martèle dans son micro :
- Ils étaient vingt et cent ..ils étaient des milliers .. nus et maigres , tremblants , dans des wagons plombés.....