Ré...

Ma première rencontre avec l’île de Ré date de 1983….

 

C’était au mois d’avril…un petit coup de spleen m’avait fait fuir Paris…ce n’était plus tout à fait l’hiver mais pas encore le printemps…sur un coup de tête j’avais sauté dans ma voiture pour me ressourcer quelques jours auprès de mes parents dans la périphérie d’Angoulême….

J’avais envie de leur faire plaisir…de me faire plaisir…j’avais aussi envie d’échapper à l’ennui , la première joie de se revoir passée….je leur proposais donc d’aller voir la mer….ils acceptèrent d’enthousiasme…depuis leur départ de Cherbourg , les occasions ne s’étaient pas bousculées….

 

Ce matin là ils s’étaient mis sur leur trente et un….j’avais tout naturellement mis le cap sur La Rochelle….que nous rallions aux environs de midi….je les invite dans un très bon restaurant sur le port…..tout en faisant honneur au plateau de fruits de mer , j’avise une pancarte indiquant la direction de l’embarcadère pour l’île de Ré……..et si nous allions y faire notre promenade digestive.. ???....ils rigolent….moquent ma bougeotte et mes idées saugrenues….mais ils ne disent pas non….

 

Une heure plus tard nous étions sur le bac….ma voiture dans la soute….je regardais le visage ridé et les yeux plissés de mon père scrutant le large….il n’avait pas remis les pieds sur un bateau depuis sa retraite….ça devait lui remuer pas mal de choses  dans le tréfonds….les mains crispées sur la rambarde….son image en uniforme sur la passerelle de son remorqueur venait se superposer à celle du grand père endimanché que j’avais devant moi….ma mère souriante tendait son visage un peu rouge au vent du large qui faisait voler ses mèches grises dans tous les sens….

 

Nous avons passé une après midi de rêve à sillonner l’île quasiment déserte dans tous les sens…haltes promenades dans les petits ports endormis dans la douce léthargie d’un dimanche de province…bateaux de pêches immobiles…imperceptible clapotis du flux et du reflux….presque personne….pas de touristes…hôtels fermés...peu de bistrots ouverts…notre présence avait quelque chose d’anachronique , surréaliste…incongrue….mais cette journée d’étroite complicité avec mes géniteurs est restée à jamais gravée dans ma mémoire…j’étais redevenu un enfant…un enfant unique...une dizaine de voitures pour le retour…guère plus qu’à l’aller….une sourde mélancolie à regarder le ciel s’assombrir….une intimité rare que j’ allais cesser de connaître….comme un adieu programmé que je n’aurais pas saisi…

 

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J’y suis retourné en août 94…….par le pont…par l’autoroute…par le péage….autre temps….autre époque…..impression d’avoir changé de siècle..….embouteillages…odeurs de tôles brûlantes et de vapeurs d’essence….foule….frime…campings….angoisse....je n’ai rien reconnu…envie de fuir…..quelque chose me disait que c’était la dernière fois…

 

 

 

 



17/01/2007
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